Tuesday 2 September 2008

PLANTES MEDICINALES ET CHIMIE

PLANTES MEDICINALES ET CHIMIE
DES BIOMOLECULES


Mots clés : Chimie des Substances Naturelles, Molécules biologiquement actives, Synthèse Organique, Criblage biologique.


Comme il a été proposé, ce projet de recherche est axé sur deux volets principaux :

1- 1- Un volet phytochimique destiné à la valorisation de notre flore, par la recherche de principes actifs issus des plantes des Aurès et du nord du sahara. L’objectif aussi, est de réaliser des criblages biologiques sur les extraits de ces plantes.

2- 2- Un volet purement chimique orienté vers la synthèse et hémi-synthèse, d’hétérocycles oxygénés et azotés biologiquement actifs.

Axe Phytochimique

Après s’être en temps justifié par la necessité d’inventorier la nature en explorant les sources de métabolites secondaires, la chimie des substances naturelles trouve sa raison d’être dans la recherche perpétuelle de nouveaux principes actifs.

Dans ce cadre, nous nous sommes intéressés à l’étude chimique de l’espèce Pituranthos scoparius, plante ombellifère poussant dans les Aurès et connue chez les populations locales, pour être responsable d’empoisonnement du cheptel ovin. C’est exclusivement cette toxicité qui nous a incité à étudier cette plante afin de déterminer éventuellement ses principes actifs.

Pour mener à bien ce travail, il a fallu évidemment effectuer en premier une recherche bibliographique très poussée où pas moins de onze bases de données ont été consultées. Recherche qui a montré que la plante n’a pas fait l’objet d’étude chimique proprement dite et que par conséquent, le problème lié à la toxicité de la plante reste toujours posée.

La plante Pituranthos scoparius appartenant à la famille des Ombellifères et considérée comme facteur de toxicité du cheptel ovin, est une plante endémique à la région des Aurès et le Nord du Sahara Algérien. Cette famille est riche en composés furocoumariniques, les différentes espèces de cette dernière sont très réputées pour leur utilisation en médecine traditionnelle en Afrique du nord et au Proche-Orient et en particulier les espèces du genre Pituranthos : scoparius, chloranthus, triradiatus et tortuosus. Plusieurs chercheurs attribuent les vertus thérapeutiques de ces plantes aux composés coumariniques .

L’extraction des racines de cette plante nous a permis d’isoler par chromatographie classique deux isocoumarines originales B et C. Leur caractérisation a été réalisée par des méthodes d’analyse spectroscopiques RMN, UV et MS. Il n’est pas à écarter que ces composés soient responsables de cette toxicité. A cet effet, il est envisagé des essais pharmacodynamiques sur ces composés.


Mots clés : Ombellifères, Pituranthos scoparius, RMN, Isocoumarines.

Nombreux composés coumariniques ont été isolés des espèces de la famille des Ombellifères. Ces composés semblent être la source de leurs propriétés thérapeutiques. A titre d’exemple, le Bergaptene isolé de l’espèce triradiatus, est largement utilisé pour la régulation de la menstruation chez les femmes . Les furocoumarines présentes d’une manière abondante dans les Ombellifères montrent diverses activités biologiques . Des effets photo-sensitifs ont été reportés pour les bactéries, champignons, virus,…etc.

L’espèce Scoparius passe dans les Aurès pour être responsable de l’empoisonnement du cheptel ovin. La toxicité de la plante est confirmée par Pieri et collaborateurs en réalisant des essais pharmacodynamiques sur les huiles essentielles extraites des parties aériennes. Ces huiles révèlent également une activité antispasmodique. En médecine traditionnelle, l’espèce scoparius, appelée localement Guezzah, connaît une vaste utilisation chez la population locale. En effet, le décocté de la plante est préconisé dans le traitement de l'asthme . Par contre, le macéré aqueux des feuilles est préconisé en cas d'ictère, contre les morsures de vipère, et aussi les piqûres de scorpion . L'application locale de la poudre de feuilles est également recommandée. Cette dernière en cataplasme soulagerait les douleurs rhumatismales. Les fumigations des parties aériennes brûlées sont préconisées dans le traitement de certaines maladies des ovins comme la gale. Chez les nomades sahariens ( Sahara occidental, steppes de l'oriental marocain ), les parties aériennes du Pituranthos scoparius . dont l'odeur est un peu anisée, sont disposées en litière sur les braises ou dans les fours pour aromatiser la viande rôtie et les galettes de pain. Les jeunes pousses et le cœur des racines de la plante sont mangés à l'état cru par les touaregs . Les fleurs sont aussi trempées dans l'eau afin d'en extraire la matière sucrée . Dans la médecine populaire libyenne , les huiles obtenues des tiges et des graines du Pituranthos scoparius sont largement utilisées comme remède contre le rhumatisme et la fièvre.

Dans le cadre de notre étude relative à l’étude des composés chimiques de cette espèce, deux isocoumarines nouvelles B et C ont été isolées et caractérisées par les méthodes d’analyse moderne, particulièrement la RMN mutiimpulsionnelle..

Extraction et isolement :

500g des racines de Pituranthos scoparius séchées et broyées, sont humidifiées par une solution d’ammoniaque et extraites à l’acétate d’éthyle. Après filtration, les phases de l’acétate d’éthyle sont concentrées puis épuisées par une solution d’acide chlorhydrique 1N. Les phases organiques récupérées sont évaporées à sec, donnant ainsi un résidu de 15 g d’extrait acétate d’éthyle,qui sont ensuite soumis à la chromatographie sur colonne de gel de silice. L’élution est réalisée par des solvants à polarité croissante : cyclohexane, cyclohexane/chloroforme, chloroforme pur et chloroforme/méthanol. Les fractions (34-39) de masse égale à 100 mg soumis à une chromatographie sur couche épaisse avec comme éluant: chloroforme/méthanol : 95/05, donnent deux composés B (15mg) et C (10mg).

Résultats et discussions :

L’étude des racines du Pituranthos scoparius a permis d’identifier deux nouvelles isocoumarines : hydroxy-6 méthoxy-5 propyl-3 isocoumarine (B) et diméthoxy-5,7 hydroxy-6 propyl-3 isocoumarine (C) .


Isocoumarine B Isocoumarine C


Le composé B est un précipité blanc. Le spectre UV montre des absorptions maximales à 248 et 339 nm suggérant la présence d’un noyau benzopyrone . Le spectre RMN 1H montre deux doublets à dH 7.07 et 8.01 ppm avec une constante de couplage J=8.6Hz, attribués aux protons aromatiques H-7 et H-8 et un singulet à dH 6.43 correspondant au proton oléfinique H-4. Il présente également un autre singulet à dH 3.91 caractéristique des protons du groupement méthoxyle H-14. Le proton de l’hydroxyle OH apparaît sous forme d’un signal singulet large à dH 6.42 . Les signaux des protons de la chaîne propyle apparaissent à (dH 1.02, t, J=7.4Hz, H-13; dH 1.78, sext, J=7.4, H-12; dH 2.54 t, J=7.4Hz, H-11). Le spectre COSY(H-H) indique les couplages entre (H-7,H-8 ); ( H-11,H-12 ) et ( H12-H-13 ).Le spectre RMN 13C montre 13 atomes de carbone (voir tableau 1). Les spectres de masse (ESI) montrent des pics [M-H]- =233 et [M+Na]+ =257. Un ion de fragmentation est enregistré en MS/MS à m/z=218 [(M-H)-15] confirmant la présence d’un méthoxyle. Toutes ces données sont en accord avec la structure moléculaire du composé B [M] =234 , soit C13H14O4 .Dans le spectre HMBC, on constate les corrélations entre les protons H-14 et le carbone dc 139.5 (C-5) et les protons H-4 et H-11 et le carbone dc 158.8 (C-3).



Le composé C est aussi un précipité blanc. Le spectre UV indique des absorptions maximales à 250 et 330 nm attribuables à un noyau benzopyrone. Le spectre RMN 1H montre deux singulets à dH 7.52 H-8 ;6.51 H-4 du squelette isocoumarine et deux autres à dH 3.98 H-14 et 4.01 H-15 correspondant aux deux substituants méthoxyles. Un signal singulet large à dH 6.20 témoigne de la présence d’un groupement OH. Il présente aussi des signaux des protons de propyle à dH 2.53,t, J=7.4Hz des protons du groupement méthylène H-11, à dH 1.77,sext,J=7.4Hz du deuxième méthylène H-12 et à dH 1.01,t,J=7.4Hz des protons du groupement méthyle. Sur le spectre RMN 13C on peut compter 14 atomes de carbone (voir tableau 1). Les spectres de masse (ESI) indiquent deux pics à 263 [M-H]- et 287 [M+Na]+ , soit donc [M] =264, La confirmation de la présence de deux méthoxyles est apportée par des pics d’ions de fragmentation en MS/MS à m/z=248 [(M-H)-15] et 233 [((M-H)-15)-15].Toutes ces données sont en accord avec la structure moléculaire du composé C , soit C14H16O5. Dans le spectre HMBC, les protons H-14 et H-15 couplent respectivement avec les carbones dc 139.8(C-5) et 147.4 (C-7). Il est à signaler aussi les corrélations de longue distance entre les protons H-4 et H-11 et le carbone dc 156.7 (C-3) .

Des essais pharmacologiques sont en cours pour déterminer l’activité biuologique de ces deux composés, particulièrement leur toxicité.


Axe chimique

Le volet purement chimique a porté sur la synthèse de Morpholines polysubstituées connues pour leur activité biologique potentielle.

Mots clés : Morpholines, complexes fer-tricarbonyle, réaction
intramoléculaire 1-3 dipolaire.

Les morpholines polysubstituées connues pour leurs diverses activités biologiques, sont des analogues structuraux des azasucres. Ces derniers représentent la principale famille d’inhibiteurs de glycosidases qui sont connues en raison de leur implication dans différents processus biologiques importants , tels la biosynthèse de protéines glycosylées, la digestion.…

Nous nous sommes donc intéressés à la synthèse de ces composés par une voie originale, ne nécessitant pas de réactifs onéreux et en un nombre d’étapes réduits. Notre stratégie de synthèse de ces morpholines, repose sur deux étapes clés :
- Formation du complexe butadiène fer-tricarbonyle . La complexation temporaire du substrat de départ a pour but de protéger le système diénique.
- Cyclisation intramoléculaire 1,3 dipolaire d’un diène azide.

La synthèse ( schéma 1 ) est basée sur la préparation à partir de l’ester diène aldéhyde 1, d’un diène azide précurseur 6 qui par cycloaddition 1,3 dipolaire intramoléculaire, a permis d’accéder aux hétérocycles recherchés. Il est vital de signaler que cette synthèse n’a été rendue possible qu’avec le recours au complexe organométallique fer-tricarbonyle, en tant qu’intermédiaire important et qui a joué un rôle salutaire de protection de l’entité diénique.

schéma 1
I-1 Synthèse de la triazolino et de l’aziridino morpholine:

Le chauffage à 80°C du diène azide 6 dans le toluène, a donné trois cycloadduits 7, 8, 8’ ( schéma 2 ) identifiés par RMN et spectrométrie de masse.


schéma 2

I-2 Détermination de structures:

Les structures des différents produits obtenus ont été établies sans ambiguïté par RMN uni et bidimensionnelle ( COSY, HETCOR… ). Les structures, une fois établies, ont été ensuite confirmées par spectrométrie de masse.

Triazolinomorpholine 7



II-1 synthèse de la pyrrolomorpholine 9

Le chauffage à reflux du précurseur diène azide 6 dans le toluène pendant 6 heures ( Schéma 3 ), a permis d’obtenir avec un rendement de 6 %, un composé de type pyrrolomorpholine 9.
Schéma 3

L’obtention séparée du même composé pyrrolomorpholine 9 par chauffage à reflux dans le toluène des deux cycloadduits diastéréoisomères 8 et 8’ permet de déduire que ces derniers constituent des intermédiaires réactionnels.

II-2 Détermination de structure

La structure du composé 9 a été déterminée par RMN et spectrométrie de masse.

La prochaine étape sera toujours orientée selon les deux axes cités :

- Valorisation de notre flore par la découiverte de nouveaux principes actifs. Deux plantes médicinales (Euphorbia guyoniana et Celsia ballii ) font l’objet de travaux de recherche dans le cadre du Magister.

- Synthèse d’analogues structuraux des flavonoïdes, piégeurs de radicaux
libres.
Références :

1- Ozenda, P.
Flore du Sahara, 1958, Ed. CNRS Paris France.
2-Kaabeche, M.
Les Groupements Végétaux de la Région de Bousaada,
Thesis Université Paris Sud, 1990.
3- Novak, I. ; Buzas, G. ; Minker, E. ; Kolfai, M. et Szendrei, K.
Planta med. 1966, 14, p: 57.
4- Jong, H.K. ; Kyung, B.L. et Francis, J.S.
J. Nat. Prod. 2001, 64, p: 1081.
5- Pieri, F. ; Poey, J. et collaborateurs .
Bull. Soc. Pharm. Bordeaux 110(4), (1971), pp:188-190.
6- Boukef, M.K.
Les plantes de la médecine traditionnelle tunisienne.
7- Bellakhdar, J.
La pharmacopée marocaine traditionnelle
8- Al kadi, A.A.
Usage de quelques plantes dans la médecine populaire en Libye,1989, Vol 1-2.
9- Masrani, K.V. ; Rama, H.S. et Bafna, S.L.
J. Appl. Chem. Biotechnol. 1974, 24, p: 331.